L'actualité sociale du mois de janvier contraste avec les mois précédents. L'afflux de décrets s'est immobilisé et aucune loi en la matière n'a été publiée. Cette décélération nous permet de se concentrer sur un thème précis au cœur des débats : le compte personnel d'activité.
La loi relative à l'égalité et à la
citoyenneté est entrée en vigueur et le guide pratique du fait
religieux à destination des entreprises a été mis en ligne.
Le 12 janvier, la Cour européenne des droits de l'Homme a rendu une décision attendue en matière d'indemnisation des accidents du travail.
Le thème du mois :
le Compte Personnel d’Activité (CPA)
Le 1er janvier, le dispositif du Compte Personnel d’Activité (CPA)
est entré en vigueur. Le 12 janvier a été lancé son portail
électronique. Il permet de consulter les droits accumulés au titre des
trois comptes qui le composent, offre un accompagnement au bénéficiaire dans le
choix de formation, permet également la transmission automatique de ses
demandes de formation aux financeurs et enfin permet la consultation des
bulletins de paie du titulaire du compte lorsque son employeur a souscrit à la
dématérialisation des bulletins de salaire.
Envié, le gouvernement allemand nous prend pour modèle et
réfléchit à son propre CPA. Il s’agirait pour eux d’un « compte personnel
pour les actifs » qui les accompagnerait également tout au long de leur
vie professionnelle. Cette idée a été présentée en novembre dernier par la
ministre du travail allemande[1]. Par ailleurs, Myriam El
Khomri communique sur le CPA. Elle a reçu le 31 janvier le ministre du travail
italien pour lui présenter la réforme. Le 23 janvier durant la
conférence internationale relative au socle européen des droits sociaux, elle a
consacré son intervention à la présentation du dispositif à la demande de la
Commission européenne.
Toutefois, à peine entré en vigueur en France, l’institut Montaigne préconise
déjà dans un rapport du 10 janvier de remplacer le CPA par le
CEF : Capital Emploi Formation. Il s’agirait d’un dispositif
doté en euros plutôt qu’en heures de formation, alimenté tout au long de la vie
également, mais abondé lors des ruptures professionnelles. Il serait accordé à
tous les actifs et permettrait à l’entreprise de se libérer de ses obligations
en matière de reclassement externe en cas de licenciement économique, à
l’exception du congé de reclassement. La contrepartie serait le versement d’une
contribution par l’employeur. Le financement de ce dispositif reposerait sur
des cotisations assises sur les salaires ou le chiffre d’affaires, ou encore
sur une contribution versée à la fin des contrats courts, ce qui n’est pas sans
rappeler les désaccords des partenaires sociaux relatifs au financement de
l’assurance chômage.
Le suivi des lois
A officiellement été publiée au JO du 28/01/2017 la loi n° 2017-86
relative à l’égalité et à la citoyenneté, suite à la décision n° 2016-745 du
Conseil constitutionnel en date du 26 janvier. Le Conseil a validé l’essentiel
des mesures relatives au droit social. 48 dispositions ont tout de même été
censurées. Les mesures relatives au Compte Personnel de Formation (CPF), au
service civique, à la mobilité internationale des apprentis ainsi qu’à la
fonction publique ont été validées. Ont notamment été censurés les dispositions
relatives au fonds de financement de l’action de groupe comme contraire au
principe d’égalité devant la loi[2].
Le Conseil d’État a transmis le 18 janvier une QPC portant
sur les dispositions de la loi Macron relatives au statut du défenseur syndical
pour possible atteinte au principe
d’égalité des justiciables devant la loi. En effet, le défenseur syndical est tenu à une simple « obligation de
discrétion » tandis que l’avocat est tenu par le « secret
professionnel » concernant les informations fournies par la personne assistée.
Le Conseil constitutionnel tranchera dans les trois mois.
Le top 3 des arrêts du
mois
Cass. Soc. 10 janvier 2017, n° 15-20.335 : Pour être recevable, l’opposition à l’entrée en vigueur d’un accord
d’entreprise doit être envoyée dans
un délai de 8 jours courant à compter de la notification de cet accord,
conformément à l’article L. 2231-8 du Code du travail. La Cour de cassation
ajoute que cette opposition doit également être reçue dans
ce délai par la ou les organisations signataires.
Cass. Soc. 10 janvier 2017, n° 15-13.007 : Il a été jugé qu’un
employeur qui a donné l’ordre au salarié de quitter l’entreprise, prononce
un licenciement verbal qui ne peut être régularisé à
posteriori par l’envoi d’une lettre de convocation à un entretien
préalable à un éventuel licenciement. Cet arrêt est en conformité avec sa
jurisprudence antérieure (Cass. Soc. 6 mars 2002, n°0040.309 : le
licenciement verbal ne peut pas être régularisé par l’envoi postérieur d’une
lettre de rupture). Pour rappel, le licenciement d’un salarié doit donner lieu
à une notification écrite et motivée en application de
l’article L. 1232-6 du Code du travail. Le licenciement verbal est donc
dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Cass. Soc. 11 janvier 2017, n° 15-23.341 : La Cour de cassation a
effectué un revirement de jurisprudence, posant pour principe
qu’une prime pour panier ainsi que l’indemnité de transport constituent
des remboursements de frais et non pas des compléments de salaire. En effet,
la première a pour objet de compenser forfaitairement le surcoût du repas lié à
l’organisation du repas et la deuxième tend à indemniser les frais
domicile/lieu de travail. Ils n’entrent donc plus dans l’assiette de calcul de
l’indemnité de congés payés ni dans l’indemnité de maintien de salaire durant
un arrêt de travail pour maladie.
Le point protection
sociale
CEDH 12 janvier 2017, req. n°74734/14 : La Cour européenne des droits de l'Homme (Cour EDH) a été saisie de la
conventionnalité de la différence de
traitement entre
l’indemnisation des victimes d’accidents du travail (AT)
et l’indemnisation des victimes d’accidents corporels de droit commun.
Ces dernières peuvent obtenir la réparation intégrale de leur préjudice, en
application de l’article 1240 du Code civil (anciennement 1382). Les salariés
victimes d’un AT bénéficient quant à eux d’une réparation forfaitaire et
partielle, y compris en cas de faute inexcusable de l’employeur. La Cour EDH a jugé
qu’il ne s’agissait pas d’une situation analogue ou comparable. Ainsi, la différence de traitement ne constituait pas une
discrimination contraire à la Convention européenne
des droits de l’Homme[3]. La CourEDH s’est
alignée sur la décision du Conseil constitutionnel de 2010 [4].
Le chiffre du mois
Le nombre de ruptures
conventionnelles entre employeurs et salariés a augmenté de 9,1
% par rapport à 2015, selon des données provisoires publiées le 24
janvier sur le site du ministère du travail. En moyenne, 32 500 ruptures
ont été homologuées chaque mois.
La note internationale
Le 19 janvier, le Parlement européen a adopté une résolution
désignant les priorités sur lesquels agir dans le cadre du socle européen des
droits sociaux. Le 23 janvier, s’est tenue la Conférence internationale
sur ce socle. Plus de six cents participants étaient présents. Le fond des
discussions nous paraissant classiques et redondantes, nous ne développerons
pas les constats et propositions faites[5]. Jean-Claude Juncker a annoncé à cette
occasion qu'il accueillera un "sommet social pour des emplois et
une croissance équitables" le 17 novembre 2017 en Suède.
- Raphaëlle
À suivre le mois prochain : (1) Une concertation paritaire au niveau
national et interprofessionnel sera lancée le 1er février sur
la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, à l’initiative
de la CPME. (2) Le 8 février, les partenaires sociaux se réunissent une
nouvelle fois pour se concerter sur le fonctionnement de l'assurance chômage.
[1]
Source : LSQ n°17244 du 16 janvier
2017
[2]
Pour en savoir plus, voir LSQ n° 17254 du 30 janvier 2017
[3]
Pour en savoir plus sur la motivation de la Cour, v. LSQ n° 17244 du 16 janvier
2017 p.2. Voir aussi l’analyse d’un avocat sur cette décision : SSL n°1754
du 30 janvier 2017 p.12-13.
[4]
DC n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010
[5]
Pour en savoir plus, voir SSL n° 1754 du 30 janvier 2017 p.2-3
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